[ December 3, 2020 0 Comments ]

Interview avec Fatime-Zohra OUTAGHANI : Post-COVID-19 : le secteur privé en première ligne pour regagner la confiance.

Quelles sont les leçons que vous tirez de la pandémie de COVID-19 au Maroc ?

Il y en a plusieurs, mais j’en retiendrai deux principales. D’abord la leçon d’humilité que nous offre cette crise en nous rappelant combien le monde dans lequel nous vivons est fragile. En quelques semaines, l’irruption de la COVID-19 est venue paralyser l’ensemble du tissu économique de la planète et modifie aujourd’hui en profondeur notre manière de vivre et de consommer. De nombreux experts nous ont pourtant alertés ces dernières années sur les risques d’une épidémie mondiale. La croyance en l’invincibilité du marché en a pris un sacré coup, et avec elle l’idée que l’homme et la nature peuvent vivre sans que le premier ne se soucie de la seconde. La seconde leçon a trait à la responsabilité. La crise a révélé combien la majorité des gouvernements et des entreprises étaient peu préparés. Il est clair désormais que le devoir des nations et du secteur privé est de rattraper le temps perdu et de prendre les devants pour garantir leur capacité à garder le lien avec les citoyens et leurs publics, mais aussi assurer la poursuite de leurs activités dans un contexte de pandémie. Cela passe notamment par la digitalisation des usages et une communication de crise plus efficiente.

Justement, en tant que fondatrice d’une agence RP leader au Maroc, que préconisez-vous aux entreprises en matière de communication ?

En période de crise, le silence n’est jamais une solution.

Une entreprise, si elle veut conserver la confiance de toutes ses parties prenantes, se doit d’informer et de sensibiliser. Cela nécessite d’être préparé. Un manuel de communication de crise, avec des procédures claires et définies, est la norme dans beaucoup d’entreprises, mais elles sont encore nombreuses à ne pas être dotées d’un tel outil. Et cela ne concerne pas que les clients de l’entreprise, ses consommateurs ou ses partenaires sous-traitants. C’est aussi indispensable en interne. Pour que les collaborateurs soient mobilisés, il est en effet nécessaire que le management soit en mesure de montrer la voie et de susciter l’adhésion de chacun. Un plan de continuation d’activité est aussi indispensable. Pendant le confinement, la plupart des salariés ont été tenus de rester à leur domicile. Or, pour beaucoup de sociétés le télétravail a été quelque chose de totalement nouveau avec de réelles difficultés de mise en place. C’est là encore une approche qui devra être intégrée dans les scénarios de crise des entreprises.

La communication des entreprises a-t-elle changé pendant le confinement et que nous réserve la période post-COVID-19 sur ce point ?

Les entreprises au Maroc ont largement revu leur stratégie de marque et de communication. Il faut dire que la crise sanitaire a impacté de manière significative les comportements des consommateurs. Des campagnes ont été suspendues ou modifiées. Le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM) a récemment présenté les résultats d’un sondage réalisé auprès des dirigeants d’une cinquantaine d’entreprises. L’étude a montré que 56% des annonceurs ont réorienté leurs campagnes publicitaires vers des initiatives COVID-19. On peut citer également le sondage mondial effectué par OpinionWay auprès de 25 000 consommateurs. Il montre que ces derniers attendent désormais en priorité des marques des campagnes qui démontrent leur utilité sociale. Au Maroc, plusieurs entreprises ont réussi à répondre à cette demande. Je pense notamment à l’un des opérateurs téléphoniques marocains qui s’est appuyé sur la résilience de ses réseaux pour assurer le maintien de l’activité économique et la continuité pédagogique des écoliers et étudiants. L’opérateur a aussi mené des opérations citoyennes pendant le confinement en apportant, par exemple, de la connectivité à des milliers de familles, en proposant un site et une application de e-learning, ou en mobilisant des start-up afin qu’elles proposent des solutions contre la crise. Cette posture d’accompagnement et de soutien est particulièrement appréciée, à juste titre, et montre que les valeurs de responsabilité et de solidarité sont plus importantes que jamais pour garder le lien et maintenir la confiance.