[Interview] Souhil MEDDAH – Expert spécialisé en ingénierie financière et en capitalisation boursière : “Introduction en bourse et crise sanitaire : Conséquences, motivations, et contraintes”
1/ Quels sont les principaux acteurs de l’introduction en bourse ?
Pour chaque opération d’introduction en bourse, qu’elle soit PME ou une Entreprise de grande taille, la nature et le rôle des intervenants se définie par rapport aux différentes phases d’exécution du planning, ainsi qu’au timing qui leur est réservé. À commencer par l’intention exprimée par une société de s’introduire en bourse, cette société est immédiatement prise en charge par une société spécialisée désignée comme le promoteur en bourse.
Le promoteur en bourse qui, dans sa position d’accompagnateur qui active à l’intérieur et à l’extérieur de la bourse, il est chargé de procéder à un diagnostic financier, juridique et organisationnel de la société, pour analyser, mesurer et statuer sur la capacité de la société candidate de se maintenir sur le marché boursier en fonction de sa taille, de ses capacités en fonds propres, en fonds permanents et aussi à travers la structuration prévisionnelle d’un éventuel effet de levier combiné entre apport en IPO d’une part et de la dette financière, qui reste une source importante et nécessaire d’autre part.
Le promoteur en bourse est aussi chargé de veiller au respect des règles par la société introduite en bourse, conformément aux exigences de la législation en vigueur et aussi aux directives de l’autorité de marché.
D’autre part, la société candidate a besoin de l’accompagnement de l’intermédiaire en opérations de bourse, afin de diffuser ses actions sur le marché primaire après adoption de leur prix d’admission et aussi, de gérer leur cotation sur le marché secondaire, en veillant sur le maintien du prix d’action sur une fourchette maîtrisable.
À ce titre, il existe aussi, d’autres intervenants indirects qui peuvent intervenir en tant qu’actionnaires acquéreurs ou en tant que fonds de placements collectif ou en capital risque (OPCVM ou SICAV), qui sont des intervenants très importants qui permettent d’absorber une masse plus importante, mais aussi dans le sens de régulation des différents compartiments, sur les marchés de participations en actions ou sur les créances en obligations.
Enfin, l’autorité de régulation est le premier législateur du marché des valeurs, soutenu par deux autres institutions, l’une qui gère les valeurs sur parquet et l’autre qui gère les enregistrements et inscriptions des opérations.
2/ Pouvez-vous nous parler des critères de sélection des PME qui souhaitent s’introduire en bourse d’Alger ?
Il y a deux types de critères : le premier critère concerne les données réglementées par rapport aux conditions dans lesquelles une société est considérée comme une PME, vis-à-vis de son capital social, de son chiffre d’affaires, de son total actif, mais aussi du nombre du personnel. Cette distinction reste en vigueur, même si la société après son introduction en bourse, augmente la valeur boursière de son capital flottant ou de son capital admis, car ce critère ne peut être revalorisé que dans le cas où la structure du capital nominal évolue de façon statutaire et réglementaire.
Le deuxième critère, de façon très factuelle, est attaché aux aspects stratégiques, techniques et de considérations du marché réel. Il s’agit notamment d’une société qui détient au moins un capital minimum qui lui permet de passer par des ouvertures sans que les affectations des pouvoirs ne soient bouleversées. Il s’agit aussi des entreprises dotées de structures financières de capacité d’endettement ou de remboursement qui assurent un rendement, avec une solvabilité prévisionnelle acceptable. D’autre part, les PME doivent dans leurs plans prévisionnels, s’assurer que leurs politiques d’exploitation leur assurent des cash-flows progressifs, importants, avec des revenus supérieurs aux taux de placement dans les banques ou autres valeurs de créances.
3/ Comment la crise sanitaire de la Covid-19 a-t-elle impacté la bourse d’Alger ?
Comme dans toutes les autres économies, l’impact de la crise sanitaire était principalement ressenti sur le marché réel, sur les revenus des individus et sur les flux financiers cumulés entre agents économiques. Il est clair que dans le même sens, que la baisse des flux entre agents économiques impactait accessoirement et indirectement le marché des valeurs mobilières, surtout par rapport aux valeurs transigées sur le marché secondaire.
Cet impact s’est entre autres limité uniquement dans les volumes des transactions sans avoir un impact majeur sur les valeurs des titres cotées.
D’autre part, les secteurs annexes qui sont réputés pour avoir des capacités de financement en participations ou en placement, comme le secteur des assurances, subissent actuellement les effets des baisses proportionnelles des revenus des agents, par rapport à leur distribution dans les domaines de placement et de capitalisation, que peut offrir ce secteur, réputé comme étant un noyau dynamique de compensation et d’intermédiation financière, qu’elle soit ponctuelle ou permanente.
4/ À votre avis, quelles sont les motivations et les contraintes auxquelles il faut s’attendre suite à une introduction en bourse ?
Parmi les motivations, une société après son introduction en bourse bénéficie des avantages fiscaux, avec une exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés au prorata de son capital flottant. Cette société peut également avoir les possibilités de basculer sur d’autres marchés, tels que le marché principal des actions (des grandes entreprises), après le développement de business modèle, ou sur le marché obligataire pour obtenir d’autres sources de financement nécessaires pour son développement.
Une société cotée en bourse, peut assurer son image en toute transparence et aussi, de sa pérennité vu que les sources de financement sont attachées à un espace multiplicateur plus large.
Par rapport aux contraintes, les sociétés cotées en bourse doivent respecter des règles de transparence, de diffusion permanente de leur santé financière, même durant les situations les plus critiques ou difficiles, ce qui implique l’adoption d’une discipline du partage et de l’information.
5/ Comment l’introduction en bourse peut-elle améliorer la performance d’une PME ?
Cette question nous renvoie systématiquement vers les questions des opportunités, qui à la fois sont relatives aux différents débouchés pour lesquels les PME qui exercent dans des filières attractives et aussi sur l’agrandissement de la taille de l’investissement, qui dans le futur peut devenir un donneur d’ordre dans un écosystème qui aura toujours besoin de plus de capitaines d’industries et de plus d’entités structurantes.
La PME étant une entité qui est à mi-chemin entre un projet d’innovation et une société de taille plus importante, la mise en œuvre de son plan de financement, d’investissement, d’extension ou de développement doit s’articuler et s’appliquer autour de deux conditions fondamentales. La première s’attache naturellement au plan d’investissement qui doit être exécuté progressivement, afin de permettre aux différentes places d’épargne et de financement par la dette, de se réapprovisionner en ressources pour couvrir les emplois directs et indirects.
Pendant ce temps, la deuxième condition, se mesure par rapport à la taille du marché dans lequel la PME est en train de s’introduire, avec notamment les valeurs ajoutées dégagées et cumulées dans la durée, qui de facto vont contribuer à la constitution ou la reconstitution des fonds propres nouveaux ou d’alimenter un actif net graduellement positif, capable de couvrir les besoins en fonds de roulement et de permettre des potentialités nouvelles en capacité d’endettement.
6/ En ce contexte de pandémie actuelle, est-il encore intéressant pour les PME de se tourner vers la Bourse ? Et pourquoi ?
Dans le contexte actuel, il est beaucoup plus intéressant de miser sur des investissements de taille intermédiaire que de miser sur des investissements trop lourds. Car un processus de développement d’une PME doit se mesurer en fonction de ses capacités immédiates d’abord et ultérieures ensuite par rapport au cursus de son expansion.
D’autre part, il faut aussi étudier la forme des secteurs marchands qui sont ou qui seront en relation directe avec l’investissement projeté.
À titre d’exemple, une PME a toujours besoin d’un donneur d’ordre pour qu’elle puisse se positionner sur le marché réel et de ce fait, sur le marché des valeurs à travers sa potentialité de développement rapide ou non. Par contre, cette PME peut aussi se projeter dans un processus stratégique de long terme, pour devenir à son tour un futur donneur d’ordre, sachant qu’un tel type de processus nécessite une maximisation des cash-flows cumulés sur la base d’un programme d’investissement réparti en plusieurs phases et faisant appel à un mixage financier entre un financement en equity avec financement par le marché de la dette.
Le marché boursier est une alternative complémentaire, qui ne peut pas remplacer et annuler tous les autres modes de financement.