[ July 10, 2020 0 Comments ]

[Etude] Badre Eddine CHEGRI – Enseignant-chercheur, Ancien auditeur public, Conférencier et Conseiller des organisations. Les opérateurs économiques et les Maîtres d’Ouvrage à l’affût d’une réforme du décret des marchés publics de 2013 au Maroc !

Le décret des marchés n’a pas été réformé depuis 2013. On attend toujours, chez les opérateurs économiques et les maitres d’ouvrage de l’Etat et de ses démembrements la publication d’un code par la TGR sous format d’un règlement général ou d’une réglementation unifiée et homogène du champ de la commande publique au Maroc. Notons que la réglementation marocaine, jusqu’à cette date, n’inclut pas le domaine des concessions régi par la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics et celui des partenariats régi par la loi n° 86-12 relative aux Contrats de Partenariat Public Privé.

 

Des modifications ont été introduites pour des besoins spécifiques (consultations architecturales, obligations d’aligner les marchés des Collectivités Territoriales sur la réglementation étatique, …). Ce décret a consacré des efforts de consolidation de la libre concurrence, l’égalité, la transparence et l’audit des marchés, notamment avec la dématérialisation de la commande (accélérée dans des circonstances exceptionnelles covid-19),  l’explicitation des voies de recours et de gouvernance des achats publics.

 

Aujourd’hui, ce décret fait l’objet d’une évaluation par les gestionnaires et il est temps d’en proposer une refonte sur le plan de la forme et de la substance. Ce document consacre un traitement différencié des achats de l’Etat et de ses démembrements. Sa présentation est à refondre. Il serait intéressant de ne pas adopter la même ossature du décret publié en 2013. Ce dernier s’organise par chapitres et non par étapes de processus de l’achat public. Ceci en réduit la lisibilité pour tout lecteur ou usager des achats publics. Cette forme de présentation devenue assez classique est peu intelligible à la lecture et à l’appropriation, à l’avis et au témoignage des experts, des trésoriers, des contrôleurs et des entreprises.

 

D’ailleurs, les dispositions contenues dans ce décret, y sont présentées de manière tantôt traitant de la technique, tantôt de formes spécifiques de consultation (architecturales, en l’occurrence) et de marchés des démembrements de l’Etat (régions et autres). Le décret des marchés publics mériterait d’être reconfiguré cette fois-ci selon une logique qui épouse l’esprit du phasage du processus de l’achat public à savoir : préparation de l’achat, choix de la procédure, candidature, examen des offres, engagement, achèvement, modalités de facturation et paiement, enfin règlement des différends (phase contentieuse). Cette présentation pourra répondre à la fois aux deux logiques complémentaires : contractuelle (droits et d’obligations des acheteurs publics) et prestataires (titulaires) et puis technique ou procédurale. Ceci étant dans un cadre plus lisible et plus compact sur le plan de la présentation et simple à la lecture et à l’appréhension.

 

Plus d’attention de la part du législateur est à octroyer aux soucis stratégiques et de management de l’achat suivants :

 

La stratégie d’achat et le plan d’achat, sans planification des achats (achats répétitifs récurrents, achats urgents, achats pour les stocks), point de programmation de ces derniers (pour les responsables du budget).

 

Les programmes prévisionnels revêtent un caractère formel pourraient s’avérer de véritables moments de planification des achats et de lisibilité aux opérateurs économiques. Ils doivent apporter plus de précisions sur l’estimation et la localité et assortis de calendriers de lancement des AO.

 

Le bénéfice des 20% des achats publics aux PME aurait pu être une occasion de restructurer le tissu productif par l’achat public. Cela aurait servi d’ascenseur pour apprendre grâce à la commande la technique et gagner la confiance des maîtres d’ouvrage. Néanmoins, rien n’oblige les responsables à faire appel à des fournisseurs de petite taille, sous prétexte d’absence des capacités techniques et financières et des références. Ce dispositif est à éclairer d’avantage.

 

La préparation de l’achat public, phase amont du processus, devrait être mise en valeur. De fait, la rédaction des cahiers de prescriptions spéciales (CPS) et Règlements de Consultation (RC), et la consolidation des besoins des prescripteurs / bénéficiaires de l’achat par les services « achats » des maîtres d’ouvrage doit être sécurisée et auditée.

 

Le choix de la procédure est légué aux ordonnateurs. Nombre d’actes d’achats sur les mêmes rubriques sont réalisés au moyen de plusieurs modes d’achat. Le législateur a identifié les listes des natures d’achat pouvant faire l’objet d’un contrat de droit commun ou d’un bon de commande, pourtant la réalité est toute autre, à l’avis des auditeurs de l’achat.

 

Les avances ne sont pas encore appliquées dans les commandes publiques au niveau national, pourtant elles auraient pu renforcer les capacités en termes de trésorerie des attributaires. C’est un maillon faible de la chaine de l’achat public au Maroc.

 

Les délais d’adjudication et d’attribution des marchés sont longs, d’où le besoin de verrouiller le processus pour éviter le fractionnement des achats.

 

La facturation électronique et les délais de paiement sont en passe d’être maitrisés au niveau de la TGR, mais un intérêt réglementaire à ce point pourrait renforcer l’acquis administratif.

 

Loin d’être uniquement un texte d’ordre réglementaire annonciateur de dispositions, le décret devrait consacrer un effort d’organisation idoine des services « acheteurs » au sein des administrations de l’Etat et des collectivités territoriales dans leurs relations avec les « prescripteurs » ou bénéficiaires de l’achat.