[ December 11, 2020 0 Comments ]

[Interview] Laila Elandaloussi – Dirigeante ABS Consulting : « Le rôle de l’expert-comptable dans la gestion du covid-19 »

Depuis mars dernier, nous vivons une crise sanitaire mondiale sans précédent, qui a touché presque tous les pans de l’économie. Beaucoup d’entreprises ont été mises à mal et traversent cette zone de turbulence, en espérant des jours meilleurs. Grands groupes, Pme, Tpme sont pour la plupart psychologiquement fragilisés et financièrement menacés.

Forger leur capacité de résilience est plus que d’actualité dans ce contexte. Car face à ce choc brutal et inattendu, elles doivent être armées pour braver l’adversité et rebondir. Les mesures édictées par le gouvernement marocain certes nécessaires, à savoir report d’échéances fiscales, indemnités pour cessation partielle d’activité, moratoire pour rééchelonner les dettes bancaires couverture plus large des crédits de fonctionnement, ne permettront pas à elles seules de surmonter cette situation. Le chef d’entreprise a besoin d’être vite accompagné pour identifier rapidement les risques, les menaces et tous les signaux de faiblesses pour ainsi les transformer en opportunités.

La mission de l’expert-comptable a plus de sens que jamais dans ce contexte. Plus que la prise en charge des obligations légales, alerte, prévention, conseil, opinion sur la réalité de la situation financière, permettent de rassurer en véritable vecteur de confiance, et appuyer les dirigeants pendant la crise.

Une cellule de crise a été créée de façon urgente par la profession pour décoder en temps réel tous les textes réglementaires concernant les entreprises notamment ceux se rapportant aux nouvelles dispositions fiscales, sociales, ainsi que pour clarifier les incidences de la pandémie du covid 19, sur l’audit. De cette manière, les professionnels experts comptables peuvent se tenir à la disposition des entreprises par leurs conseils avisés et les soutenir à mieux déployer le dispositif d’appui mis en place par le gouvernement.

Ils peuvent également jouer un rôle fondamental pour accompagner les dirigeants à résoudre les problématiques de financement et les négociations avec leurs partenaires. La crise de trésorerie qui fragilisait déjà les opérateurs économiques et était une des premières causes de défaillance dans notre pays, s’est aggravée sous le choc de la pandémie, l’arrêt d’activité, et la paralysie des circuits auparavant prospères.

Après le de confinement, les entreprises en difficulté doivent s’atteler à mettre en place un plan de relance. Elles devraient commencer par dresser un état de la situation réelle en identifiant tous les risques présents à venir. L’expert-comptable à leur côté pourrait apprécier ou participer à cet état des lieux indispensable à la mise en place d’un plan de redressement de la situation financière comme il peut également participer à sa mise en œuvre.

De plus en plus les opérateurs économiques seront confrontés dans cette situation complexe et critique à une exigence croissante des besoins en matière d’informations à destination des tiers, créanciers, régulateurs, pour maintenir le climat de confiance qui est à la base de toute relance économique.

La mission du commissaire aux comptes, mission d’intérêt général, revêt un intérêt encore plus important pour les actionnaires eux-mêmes, car dans cette période de difficultés, ils ont besoin de plus d’assurance et de confiance sur la marche de la société, l’évolution de sa situation et son impact réelle quand à la pérennité de l’activité.

La mission permanente que le commissaire aux comptes déploie aussi, permettra une détection plus rapide des difficultés dont la prise de conscience tardive risque d’en amplifier la teneur. A cet effet, il est important de rappeler la procédure d’alerte du commissaire aux comptes qui pourrait s’inscrire comme une réponse adéquate à ces difficultés. Elle permettrait dans une approche préventive, d’ouvrir la voie vers la procédure de sauvegarde. En effet, le code de commerce au Maroc prévoit plusieurs procédures pour les entreprises en difficulté notamment le redressement et la liquidation judiciaire, ainsi que la procédure de sauvegarde. Cette dernière, en vigueur depuis avril 2018 introduite au niveau du livre V du code de commerce, constitue une innovation marquante dans le droit des affaires car protège les entreprises de la liquidation. Elle prévient du « dépôt du bilan » dès lors que l’entité n’est pas encore en cessation de paiement. Elle pourrait constituer une solution idoine, et viendrait à la rescousse des entreprises dans cette conjoncture difficile.