[Interview] Mehdi Alaoui – Fondateur de LaStartupFactory, entrepreneur en série dans les nouvelles technologies, expert en Digital et Innovation : Collaboration grandes entreprises et startups : les clefs de la réussite.
1/ Selon vous, l’écosystème des startups au Maroc démontre-t-il un dynamisme malgré la conjoncture actuelle ?
Concrètement, la conjoncture actuelle a démontré les limites d’un ancien modèle. Un modèle, qui concevait la digitalisation comme un luxe, et non un avenir, un modèle qui concevait la technologie comme une injonction, pas un levier d’avenir. Avec la pandémie et les restrictions sanitaires, les entreprises ayant pris le virage digital avant la pandémie, en sont sorties gagnantes. Les autres, ont compris cette nécessité de s’adapter aux nouveaux usages. Tout ça pour dire que pour les start-up œuvrant dans ce domaine, les opportunités sont nombreuses et cela dynamise l’écosystème. Pour d’autres, œuvrant sur certains secteurs sinistrés, comme le tourisme ou la mobilité, la dynamique transparaît par leur créativité, leur agilité et leur capacité d’évolution et de résilience. Donc en un mot, oui l’écosystème démontre un dynamisme certain, selon l’une de ces deux modalités.
2/ Une collaboration réussie est synonyme d’une situation “win-win”. Quels bénéfices pour les deux parties à l’issue de cette relation ?
Les principaux bénéfices que je retiens pour les deux parties à l’issue de cette relation sont: des échanges et transferts croisés de compétences. Le grand groupe a une capacité de déploiement de solutions à grande envergure, la startup a une agilité et une connaissance fine de certaines technologies prometteuses. En apprenant à travailler ensemble, nous nous rendons compte que ces deux mondes sont finalement extrêmement complémentaires. Pour les grands groupes, collaborer avec une startup lui permet de donner une accélération à leurs innovations afin de répondre plus rapidement aux nouvelles attentes de leurs clients. Le travail avec des startups, est enfin un moyen d’opérer leur transformation digitale, pour améliorer les process et gagner en efficacité et productivité, notamment à travers le changement de mindset des collaborateurs. En conclusion, je dirais que c’est un bénéfice d’apprentissage: d’apprentissage de l’innovation technologique et de ses méthodologies d’une part, contre l’apprentissage du métier et des contraintes business et ses exigences d’autre part.
3/ Pour les start-up, il est un véritable enjeu de gérer le changement d’échelle de leurs activités en accédant à un marché plus large grâce à la collaboration avec une grande entreprise. En existe-t-il davantage ?
Oui, le marché est souvent conquis plus rapidement par le partenariat bien qu’il ne soit pas indispensable. Néanmoins je vois d’autres intérêts non négligeables à savoir la transmission d’expérience. Un entrepreneur est jeune et innovant. Collaborer avec un grand groupe lui donne aussi un aperçu de la réalité de son écosystème. Et là je distinguerais les start-up B2B des B2C : la B2C identifiera lors de la collaboration des problèmes qu’elle résoudra mieux que la grande entreprise, ça peut initier des opportunités. La B2B quant à elle gagnera en maturité business en collaborant et pourra de fait, mieux cerner des besoins latents à adresser. C’est donc une distinction de processus que je dessine là mais pas de finalité : cela revient dans les deux à l’identification de besoins latents à résoudre.
4/ Pour les grandes entreprises, il est crucial d’établir une stratégie d’open innovation claire et bien étudiée pour un développement mutuel. Dans le cas contraire, quels sont les risques que ces grandes entreprises peuvent courir ?
Les grandes entreprises sont porteuses d’expérience d’une part mais aussi d’inerties d’autre part. Inerties face au changement, à l’innovation et à l’ouverture. Or, si nous avons appris une chose, c’est que plus l’entreprise évolue vite, plus sa capacité de réactivité face à l’altérité et les chocs exogènes est forte, mais aussi plus son adaptation des évolutions sociétales est forte. Que les entreprises mobilisent leur expérience en les alliant à l’agilité des startups via l’ouverture que permet l’Open innovation! Autrement, elles ne passeront pas la décennie.
5/ Afin de construire des ponts solides entre les deux rives, des efforts doivent être fournis par les deux côtés. Quelles sont les conditions pour une collaboration réussie ?
L’équité. C’est d’après notre expérience ce qui pêche le plus souvent. Les corporates doivent identifier des moyens de faciliter la vie aux startups qui ne sont pas des prestataires génériques. Contractualisation, délais de paiement, processus de collaboration sont à adapter. Inversement la start-up doit comprendre et faire preuve d’empathie envers son client qui n’a pas non plus les capacités de suivre la vélocité d’innovation de l’autre rive. Technologies avant-gardistes, processus agiles et mindset sont à ajuster pédagogiquement envers la corporate.